Quel cloud face à la crise énergétique ?
Les prix de l’énergie explosent. Il n’est donc pas évident de bien saisir les enjeux dans les annonces des analystes du marché du cloud. Jan Gabriel, Director Alliances & Marketing, ITS Integra, analyse la situation.
Certaines voix prédisent un dépositionnement accentué du cloud privé, lié à la hausse du coût de l’hébergement en data center, au bénéfice du modèle public. Ce qui voudrait dire une migration plus massive encore des workloads des entreprises vers le cloud public. Il est même question d’une accélération cette année et en 2024…
Vraisemblable ? Comme souvent, la réponse à ce genre de question n’est pas totalement binaire, estime Jan Gabriel. « Le cloud public présente encore et toujours une opportunité de transformation numérique plus importante que le privé. Il fédère CIO et responsables métiers autour de centaines de services prêts à l’emploi. En effet, ceux-ci peuvent rapidement changer la façon de travailler pour les utilisateurs. Plus d’autonomie, plus de rapidité et une multitude de possibilités pour mieux utiliser les données de l’entreprise. Cette mouvance ne va clairement pas ralentir, l’enjeu est bien trop important. »
En revanche, le constat général des entreprises utilisatrices du cloud public est assez unanime sur le sujet. Il y a un manque de maîtrise des coûts avec un dépassement systématique du budget projeté. Une étude de Veritas fait état d’un dépassement moyen autour de 43 % ! « Ce constat n’est pas nouveau depuis que la tendance ‘move to (public) cloud’ s’est accentuée ces dernières années. Toutefois la multiplication des cyberattaques représente un facteur accélérateur. De fait, la cyber-protection a souvent été négligée dans la définition des budgets cloud. Les entreprises doivent alors rattraper ce retard et se doter de solutions mises à disposition par les hyperscalers ou des tiers. »
En parallèle, il y a un manque d’optimisation coordonnée des ressources déployées sur le cloud public. Celui- ci est exacerbé notamment dans les scénarios « lift & shift » (orientation IaaS avec déploiement 1 pour 1 dans le cloud public) et pèse sur la facture mensuelle.
La pression des coûts sur le cloud privé
Du côté du cloud privé, la hausse des prix de l’énergie est bien entendu pénalisante. A ceci viennent s’ajouter les hausses des prix des principaux éditeurs sur les licences sur site. C’est le cas par exemple pour VMware, Microsoft, Veeam et d’autres encore. Cela crée une inflation importante. « Faut-il pour autant tourner le dos au cloud privé et migrer plus massivement encore dans le cloud public ? Alors que le marché prévoit des augmentations substantielles allant jusqu’à 30 % sur les prix des services du cloud public (IaaS, PaaS, SaaS), l’équation n’est pas si simple », nuance Jan Gabriel.
Si l’on considère seul le facteur coût, il est évident que l’adoption du FinOps devient une nécessité absolue. En effet, il permet de lutter contre le gaspillage -et donc le coût lié- sur le cloud public. « Pour les entreprises ayant une approche hybride privé-public, les coûts effectifs du cloud privé doivent également être pris en compte. Cela aidera à arbitrer certains choix et justifier par les bénéfices attendus, des opérations d’optimisation et d’automatisation. » Effectivement, ces opérations peuvent être lourdes à assumer pour les organisations.
L’impact de réglementations à venir
Ensuite, d’autres facteurs entrent dans l’équation. C’est le cas du cadre réglementaire. Il empêche certains opérateurs publics, mais aussi privés, de migrer vers le cloud public. « Un exemple parmi d’autres est la décision, en France, de la DINUM de bannir Office 365 des administrations, jugé non-conforme à la doctrine « cloud centric ». Ceci, sans pour autant mentionner la suite Google, Zoom et autres. Alors qu’en parallèle, le Health Data Hub est déployé sur Microsoft Azure et le législateur européen multiplie les annonces et travaux autour de la souveraineté et la protection des données. Nul ne sait quelles seront les décisions politiques à venir, mais elles pourraient changer la donne radicalement. »
N’oublions pas non plus l’existence de plateformes et applications « legacy ». Elles peuvent représenter un frein pour la trajectoire de transformation dans le cloud public.
Enfin, en laissant de côté l’aspect purement financier, un objectif fort d’une entreprise peut porter sur le coût énergétique et le bilan carbone, complète Jan Gabriel. « Ainsi, pour le retour sur investissement, il est nécessaire de s’intéresser au long terme. Bref, ne pas s’arrêter à la facture du mois ou de l’année. »
Le FinOps devient une nécessité absolue dans la hausse des prix
Autrement dit, il est plus que jamais crucial d’élever le FinOps en approche régissant la stratégie cloud de l’entreprise. « Il ne s’agit pas de l’achat d’un outil quelconque ou de nommer un.e responsable FinOps, nuance Jan Gabriel. Il y a bien une organisation plus globale à mettre en place avec différents rôles et responsabilités. »
Cette organisation doit s’étendre sur l’ensemble des ressources informatique de l’entreprise, à savoir cloud privé et cloud public, en tenant compte de tout workload déployé en IaaS, PaaS et SaaS.
« Cela suppose aussi une certaine flexibilité, puisque les facteurs déterminants peuvent changer. Qu’en sera-t-il dans six mois, dans un an ? De la même manière, de nouvelles augmentations sur les services de cloud public peuvent faire pencher la balance ‘coûts’ très rapidement. »
Seule une analyse fine prenant en compte les usages réels et les coûts liés permet de raisonner efficacement et prendre la bonne décision, conclut Jan Gabriel. « Quoi qu’il en soit, une fois de plus, il ne s’agit pas d’opposer le cloud privé et le cloud public, mais de trouver le bon équilibre, dans un monde qui, pour une large majorité des entreprises, est devenu hybride. »