«Oui à la e-santé, à condition qu’elle soit encadrée, non pour freiner son développement, mais pour garantir une meilleure qualité des soins et en respectant la sphère privée», prévient le Dr. Robert Goerens, médecin-chef de service à la Direction de la Santé au sein du Ministère de la Santé, en ouvrant la deuxième édition du Luxembourg Healthcare Summit. Pour lui, qu’il s’agisse de e-santé, de m-santé et des objets connectés, «confiance» et «fiabilité» restent les maîtres-mots . Et d’ajouter : «Aucune technologie ne peut remplacer la relation humaine qui doit rester le fondement de notre médecine.»
C’était le 6 octobre, au Nouvel Etablissement Namur : plus de 300 professionnels du secteur de la santé s’étaient donné rendez-vous pour la deuxième édition du Luxembourg Healthcare Summit. Comme la finance, la médecine est en pleine transformation. La digitalisation offre de nombreux espoirs, mais peut également susciter des craintes. Selon le Dr. Postel-Vinay, Médecin à l’Hôpital européen Pompidou à Paris, «l’évaluation médicale scientifique reste primordiale afin de peser risques et bienfaits d’une e-santé au sens large.»
Créer la confiance
Chaque évaluation d’une application médicale, se fait en six étapes. Dans un premier temps, il faut mesurer la fiabilité des différents capteurs, puis s’intéresser à la pertinence du paramètre mesuré. Ensuite, il est nécessaire de se poser la question de l’adéquation du contexte, et de la validation de l’algorithme en tenant compte du profil de patient. Dernières étapes et non des moindres, l’acceptation et la preuve de bénéfices médicaux. Or, à l’heure actuelle, il n’existe pas d’étude en contexte «grand public». De plus, sur 100 «Med Apps» dédiés à l’hypertension artérielle, seuls 3 ont été développées avec des médecins. Comme le rappelle le Dr. Postel-Viney, «la confiance, ça se mérite !»
La médecine change, tout comme le rôle de ses acteurs. C’est notamment le cas du patient, qui devient acteur principal de sa propre santé, d’où la mention, en conclusion de sa présentation, de potentielle «e-pocondrie»…
La mise en place de nouveaux outils médicaux ayant recours à des données personnelles et privées nécessite un cadre légal strict et adapté à l’e-santé. Pour Nathalie Beslay, avocate spécialisée dans l’accompagnement des professionnels de la santé, l’e-santé signifie à la fois «transformation des services» et «création de nouveaux métiers, services et produits».
Le cheminement à suivre lors d’un projet e-santé ? Mettre en place une qualification légale (les composants légaux auxquels les établissements seront confrontés), un parcours règlementaire (savoir vers quelles autorités se tourner), puis une architecture contractuelle (la construction une charte éditoriale, notamment pour les réseaux sociaux).
Le patient du futur : reconstruction puis amélioration ?
Comme le souligne Judith Nicogossian, Dr. Es Anthropologie : «inventer aujourd’hui la médecine de demain est une rencontre entre la recherche médicale et la technologie pour améliorer la santé de tous.» Les recherches actuelles donnent ainsi vie à des t-shirts intelligents, tatouages électroniques, mais également le médicament digital ou l’exosquelette.
Dr. Nicogossian a également abordé le transhumanisme et la démocratisation des soins, qui remettrait en cause les systèmes de santé, renvoyant aux phénomènes déjà produits dans le secteur de l’hôtellerie avec Airbnb ou des transports avec Uber.» Plusieurs questions subsistent : quel est l’impact de ces modifications bioculturelles du corps désormais devenues réalité ? Une espèce bioculturelle supplantera-t-elle réellement l’humain dans sa version actuelle ?
Les experts locaux Dr. Denis Laloy, Directeur des Soins au Centre Hospitalier Neuro-Psychiatrique, et Violaine Langlet, Data Protection Officer au sein de l’Agence eSanté ont ensuite rejoint le Dr. Postel-Vinay et Dr. Nicogossian pour une table ronde modérée par le Dr. Jean Beissel, Directeur Médical de l’INCCI.
Pour Violaine Langlet, la nécessité est de développer une e-santé pour que besoins médicaux, et droits des patients se rencontrent, avec comme priorité absolue le respect des droits fondamentaux de ces derniers. En psychologie, les outils numériques aident principalement les praticiens à entrer en contact avec les patients. Ils jouent en quelque sorte un rôle de médiateur et permettent d’aborder, puis de suivre, le patient» ajoute le Denis Laloy, qui assure que la relation médecin-patient ne peut être réduite à des consultations numériques. Pour conclure cette conférence, Nicolas Postel-Viney, a posé une question aux participants : l’Homme d’aujourd’hui est-il plus ou moins heureux que l’Homme de Neandertal ?» La question parle d’elle-même.