Le nouveau monde… sans elles !
Les données récentes sont sans appel : 3 % des start-up du Web3 ont été fondées par des femmes et 13 % par des équipes mixtes comprenant des hommes et des femmes
Dans l’un de ses recueils de nouvelles paru en 2014, Haruki Murakami évoquait le vague à l’âme d’un monde où vivent des « hommes sans femmes ». Aujourd’hui, ce monde arrive avec le Web3, blockchain et métavers attirent massivement les investisseurs et les jeunes talents, mais, à la veille de la Journée internationale des femmes du 8 mars, force est de constater que le Web3 se construit sans elles !
Les femmes représentent 25 % des effectifs des start-up du Web3 où elles occupent principalement des rôles dans les fonctions marketing et HR, elles ne sont que 12 % dans des rôles techniques. Cela signifie que les plateformes de demain sont conçues par des hommes et donc… pour les hommes ! Le comportement des femmes est aujourd’hui très rationnel : les start-up fondées par des équipes exclusivement féminines lèvent en moyenne quatre fois moins d’argent que les start-up fondées par des équipes entièrement masculines… Un constat qui s’aggrave davantage passés les premiers tours de financement : on ne compte que 2% de femmes fondatrices de startups du Web3 en Serie A et 11% d’équipes fondatrices mixtes. Alors, pourquoi se lancer ?
Les entreprises du Web 3 bloquées dans le passé
Les entreprises du Web3 -celles qui développent de nouvelles applications radicales impliquant le métavers, les technologies de blockchain et les crypto-monnaies qui sont sur le point de transformer de nombreuses industries mondiales- sont à la pointe pour façonner l’avenir du monde numérique. Mais sous un aspect, ces entreprises restent bloquées dans le passé : les femmes sont largement sous-représentées parmi les fondateurs et les investisseurs. De plus, cette sous-représentation est plus importante que dans l’enseignement des STEM (sciences, technologie, ingénierie, mathématiques) et dans l’industrie technologique au sens large.
Ce sont quelques-unes des conclusions d’une étude publiée par BCG X, l’unité de construction et de conception technologiques du Boston Consulting Group, et People of Crypto Lab, un studio de création et d’innovation qui vise à renforcer la diversité, l’équité et l’inclusion. L’étude est très précise. Elle analyse toutes les formes de comportements, on constate que ceux-ci sont le plus souvent culturels. Ainsi, selon les géographies, la part de femmes fondatrices est légèrement plus élevée en Amérique du Nord (17 % au total, prenant en compte les équipes mixtes et 100 % féminines) qu’en Europe (11 %) et en Asie Pacifique (10%).
Les entreprises dotées d’équipes de direction diversifiées sont meilleures en matière d’innovation et plus rentables
« Les chiffres sont alarmants. Il s’agit d’une crise économique ainsi que d’une crise de la diversité, avec des opportunités manquées pour soutenir et développer des entreprises conçues pour les clientes féminines. L’écart entre les sexes dans Web3 est un problème encore plus important que ce que nous connaissons depuis longtemps dans les entreprises STEM en général. Avec Web3, nous ne parlons pas seulement de technologie, nous parlons de technologie appliquée à chaque industrie et à chaque aspect de la vie », estime Jessica Apotheker, Marketing Director, BCG. Co-auteure de l’étude, elle va plus loin que le consat. « Les entreprises Web3 façonneront la façon dont les gens se représentent en ligne, font des affaires et interagissent les uns avec les autres. Nos études ont révélé que les entreprises dotées d’équipes de direction diversifiées sont meilleures en matière d’innovation et plus rentables. Les entreprises Web3 qui n’adoptent pas et ne tirent pas parti de la diversité dès le départ renonceront à une énorme opportunité commerciale et de monétisation… »
Inégalités liées au genre
Rien n’est perdu. Des actions concrètes sont à mettre en place dès maintenant, suggère Jessica Apotheker. L’écosystème du Web3 n’en étant encore qu’à ses débuts, il est possible d’agir, et dès maintenant, pour limiter ces inégalités liées au genre. Déjà, pour débuter, mesurer et factualiser la situation. Une première étape essentielle consiste à mesurer de manière précise, granulaire et objective la représentativité des femmes parmi les investisseurs, les fondateurs et les employés de startups du Web3.
Ensuite, accroître le nombre de femmes au sein des équipes d’investissement. Des biais inconscients peuvent influencer les décisions de financement. Les équipes d’investissement exclusivement masculines sont plus susceptibles de soutenir et financer des équipes fondatrices exclusivement masculines. Or, six des dix principaux fonds investissant dans le Web3 ne comptent aucune femme partner. Pour remédier à ce problème, certains fonds exigent désormais que les équipes d’investissement comprennent au moins une femme.
Enfin, s’assurer, en particulier, du soutien de l’ensemble de l’écosystème, en s’appuyant notamment sur les régulateurs. Au même titre que les réglementations sur les critères ESG, les gouvernements et les ONG se concentrent de plus en plus sur les normes en faveur de la parité et de la diversité de genre. Entreprises et investisseurs ont tout intérêt à collaborer de manière proactive afin de contribuer à l’élaboration de ces réglementations, plutôt que de simplement attendre qu’elles apparaissent.