Développer le commerce en ligne transfrontalier. Pour atteindre son objectif, la Commission européenne veut tout à la fois limiter les barrières au commerce en ligne transfrontalier et mieux réguler les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) américains.
Le Financial Times a obtenu et mis en ligne une ébauche de la stratégie pour le marché unique numérique que doit officiellement présenter la Commission Junker mercredi 6 mai. Le sujet a déjà été débattu par le collège des commissaires. C’était le 25 mars dernier. La réunion avait permis de définir les principaux domaines sur lesquels la Commission va concentrer son action pour apporter de réels changements, pour les consommateurs comme pour les entreprises.
Première étape : harmoniser les règles d’achats de contenus numériques. Il s’agit de permettre aux vendeurs de s’appuyer sur les lois de leur pays d’origine concernant la protection des consommateurs et le droit des contrats, plutôt que de s’adapter aux législations des pays des clients. Aujourd’hui, seulement 15% des consommateurs font des achats en ligne dans un pays de l’UE autre que le leur, ce qui n’a rien d’étonnant lorsque les frais de port leur coûtent, en définitive, plus cher que le produit qu’ils achètent !
Autre point clé : en finir avec le blocage géographique. Trop souvent, et sans raison, les Européens ne peuvent pas utiliser les services en ligne disponibles dans d’autres pays que le leur, ou bien ils sont redirigés vers un site de vente en ligne de leur pays… qui pratique des prix différents. Le géoblocage ne peut pas continuer à exister dans un marché unique. Souvent cité, le cas de Netflix. Une proposition législative en ce sens est attendue pour la mi-2016.
Franchir les frontières en ligne
Pour Andrus Ansip vice-président de la Commission européenne pour le marché unique numérique, l’internaute doit pouvoir accéder dans tous les pays de l’Union européenne au service en ligne acheté dans l’un des États membres. «Éliminons tous ces obstacles et barrières qui entravent notre liberté en ligne. Franchir une frontière doit être aussi facile en ligne que dans la réalité. Les entreprises innovantes ne doivent pas rester cantonnées à leur marché national, il faut les aider à se développer dans toute l’UE. Certes, ce sera une tâche ardue, mais nous devons nous montrer ambitieux dès le départ. L’Europe doit tirer un maximum d’avantages de l’ère numérique en termes d’amélioration des services, de participation accrue et de création d’emplois.»
Améliorer l’accès au contenu numérique passera aussi par une modernisation des règles en matière de copyright, notamment pour les programmes audiovisuels. Une proposition devrait être présentée à la fin de l’année 2015 pour «réduire les différences entre régimes nationaux des droits d’auteur».
Centraliser la déclaration de TVA
Depuis le 1er janvier 2015, les prestations de services en ligne et de téléphonie sont imposables au taux de taxe sur la valeur ajoutée en vigueur dans l’État membre où l’utilisateur est domicilié, alors qu’il s’appliquait précédemment au lieu d’établissement du prestataire. La simplification du régime de TVA est importante pour dynamiser les activités transfrontalières des entreprises, et notamment des PME. Le coût et la complexité des tâches liées à la gestion de réglementations fiscales étrangères sont un problème majeur pour les PME. Les coûts dus aux différences de régimes de TVA sont estimés à 80 milliards EUR. Ici encore, une proposition est attendue en 2016. Objectif : élargir le mécanisme de déclaration et le paiement centralisé à toutes les ventes en ligne.
Il s’agit aussi de moderniser la législation sur les droits d’auteur pour assurer un juste équilibre entre les intérêts des créateurs et ceux des utilisateurs ou des consommateurs. Ces mesures faciliteront l’accès à la culture et favoriseront donc la diversité culturelle, tout en offrant de nouvelles perspectives aux artistes et aux créateurs de contenu en garantissant un meilleur respect des droits.
Pour Günther Oettinger, commissaire pour l’économie et la société numériques, «l’Europe ne pourra pas être à l’avant-garde de la révolution numérique si 28 réglementations différentes continuent à coexister dans le domaine des services de télécommunications, des droits d’auteur, de la sécurité informatique ou de la protection des données. Nous avons besoin d’un marché européen qui permette à de nouveaux modèles économiques de s’épanouir, aux start-ups de se développer et à l’industrie de tirer parti de l’internet des objets. Mais les compétences numériques, c’est aussi une question d’investissement personnel, dans le cadre du travail ou des loisirs.»