GAIA-X, les mises en garde de Forrester

Nov 23, 2020 | Cloud | 0 commentaires

Forrester douche quelque peu l’enthousiasme autour de GAIA-X au moment même où l’initiative européenne rassemblait ses adhérents et sympathisants…

«La création d’un AWS bis, un Azure bis ou un Google Cloud Platform bis ne faisant rien de plus que de coller un badge ‘made in Europe’ sur un nouveau fournisseur d’infrastructure souverain n’aidera personne !»

Alors que près de 200 organisations et entreprises prenaient part, mercredi 18 novembre, au premier des deux jours du GAIA-X Summit, lancé par les ministres français et allemand de l’Économie, Forrester ne pouvait mieux doucher ses premiers adhérents et sympathisants… Attaque en règle contre l’initiative européenne ou analyse sans concession ?

«GAIA-X doit être plus qu’un simple fournisseur d’infrastructure européen, sinon il ne fournira aucune valeur.» L’affirmation tombe comme une sentence. Mais on ne peut que donner raison à Paul McKay, Principal Analyst, Forrester. 

Le cloud et au-delà…

Il est clair que l’initiative européenne est suivie de près Outre-Atlantique. Partie avec 22 membres fondateurs franco-allemands, GAIA-X rassemble aujourd’hui plus 180 membres issus de 18 pays. Qui plus est, «la nature des membres est très équilibrée», se félicitait le conseiller d’Atos dans son message inaugural. Les fournisseurs de cloud n’en représentant pas plus de 42 %.

L’ambition de GAIA-X est moins de faire émerger un géant mondial du cloud -tant les leaders du marché semblent indétrônables- que d’imposer des bonnes règles de conduite. Le but : accélérer l’économie de la donnée en Europe, estimée à 400 milliards EUR en 2019. En adhérant à GAIA-X, les entreprises s’engagent à respecter des règles contraignantes. Pratiquement, déclarer où et comment sont opérées les données, faciliter le passage d’un service de cloud à un autre, permettre l’interopérabilité entre les services. Et, surtout, garantir la souveraineté des données. Autant d’argument qui ne peuvent laisser indifférents.

Eviter les erreurs précédentes

Le tout est de savoir si ce ne sera pas un coup d’épée dans l’eau, interroge Forrester. «Jusqu’à présent, les tentatives des groupes européens pour s’attaquer à ce problème ont eu peu d’impact. La part de marché des hyperscalers non européens n’a fait que croître. A peine 12 % des entreprises européennes ont choisi un fournisseur de cloud public basé en Europe», observe Paul McKay.

Bien que GAIA-X prétende être différent, il existe des problèmes que la fondation doit surmonter pour éviter le sort des tentatives infructueuses précédentes.

Pas juste un fournisseur de plus

Premier piège, selon Forrester, faire de GAIA-X un autre fournisseur d’infrastructure. «Les Européens ont déjà l’embarras du choix, avec un large éventail de fournisseurs de cloud public et d’options de cloud privé hébergé parmi lesquels choisir. La création d’un ‘imitateur’ n’aidera personne !» Oui à GAIA-X, estime Forrester, mais seulement s’il est bien exécuté, afin de ne pas rater l’occasion réelle de répondre aux véritables préoccupations. Oui à la souveraineté des données, oui à la transparence et oui à une utilisation accrue des normes ouvertes.

Le cabinet d’analystes met aussi en garde les Européens sur le risque de possibles retards de livraison. De fait, les services cloud sont un marché en évolution rapide. Et, jusqu’ici, ce sont les hyperscalers non-européens qui donnent le ton. Ils publient constamment de nouvelles fonctionnalités… Faut-il comprendre par là que les Européens seront incapables de suivre le rythme ? A lire les réserves de Forrester, le doute est à peine voilé. 

Mises en garde

En constatant que les services initiaux de GAIA-X ne devraient pas être disponibles avant le premier ou le deuxième trimestre de 2021, c’est montrer du doigt notre retard. En outre, poursuit Forester, «ce qui est publié doit fonctionner sans erreurs graves ni bogues de déploiement. Le danger serait de perdre en crédibilité ou opportunités commerciales. La fenêtre d’opportunité est réduite

Troisième risque : créer des perceptions de biais contre les entreprises non européennes. La fondation réussira en étant ouverte et inclusive à toutes les entreprises impliquées dans la définition des normes techniques, insiste Forrester. «Les premières mesures telles que la restriction de l’adhésion au conseil de direction de la fondation aux Européens n’aident pas à la perception du marché, tout en rendant plus difficile la fourniture des services demandés par les clients potentiels», souligne Paul McKay. Et d’ajouter avec un pointe de scepticisme : «au fur et à mesure que les services seront mis en service, il est important que GAIA-X gagne des affaires sur le seul mérite d’avoir la meilleure solution technique pour répondre aux besoins des clients au bon prix.»

Pas toucher aux AWS et consorts

Et Forrester de redéfinir le cadre, à sa façon. La véritable opportunité pour GAIA-X, explique le cabinet, est de définir des services de cloud public qui améliorent la clarté autour de la souveraineté des données. Capitaliser aussi sur la transparence de la gestion et la gouvernance des données.

On lira, entre les lignes, qu’il ne faut pas toucher aux AWS et consorts. Seulement compléter l’offre, l’enrichir. Paul McKay illustre son propos en mentionnant la définition et le déploiement de services de sécurité supplémentaires, tels que des services d’identité fédérés ou des piles de technologies open source. Pour lui, de tels services peuvent contribuer à réduire le risque réel ou perçu de verrouillage. «Ce serait une véritable victoire pour les CIO, non seulement en Europe, mais également sur d’autres marchés».

Enrichir l’offre, vraiment ? Ou restreindre le cadre de l’initiative européenne pour mieux laisser opérer les hyperscales en place ?

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