Le financement favorise le «as-a-service», tremplin de l’économie circulaire

par | Juin 3, 2018 | Business | 0 commentaires

R-Lease, filiale spécialisée du groupe Rcarré, s’engage dans l’économie circulaire. Et de proposer des modèles opérationnels privilégiant l’usage et les approches «as-à-service». Explications de Grégory Claudy, administrateur délégué, R-Lease.

(Photo : Dominique Gaul)

° Être propriétaire fait-il encore sens ?

Grégory Claudy : Nous passons d’une économie de la propriété à une économie de l’usage. Désormais, et pas seulement auprès des plus jeunes, l’accès et l’usage priment sur la possession. C’est notamment la conséquence de la transformation digitale, de la vitesse des évolutions technologiques et industrielles menées par les fabricants; la conséquence aussi de l’impact de l’économie circulaire qui induit un autre regard sur la durabilité.

° Faut-il lier financement et économie circulaire ?

Le financement est un formidable levier pour introduire le principe d’économie circulaire. Que l’on parle de leasing ou de location, le financement prône le principe d’économie de fonctionnalité ou de l’usage. La finalité n’est plus la vente d’un produit, mais la vente d’un accès aux fonctions du produit. Dans l’automobile, c’est déjà une pratique courante : le consommateur n’achète plus un véhicule, mais sollicite un prestataire qui va lui fournir un service de mobilité qui pourra être facturé sur base de différents critères. Dans le secteur des technologies de l’information, les spécialistes de l’impression ont été les premiers à faire payer leurs clients au clic.

Alors que dans un modèle économique classique, l’entreprise se rémunère en réduisant le cycle de vie des produits, dans une logique de fonctionnalité, l’offreur doit maximiser l’utilisation de ses biens au départ de produits durables. En cela, l’économie de fonctionnalité prend le contre-pied de l’obsolescence programmée qui impacte l’environnement : extraction de matières premières, destruction d’écosystèmes, gaspillage de ressources limitées…

° L’économie circulaire tend-t-elle à annihiler la notion de propriété qui est tout de même inscrite dans notre culture d’entreprise ?

Voyez les business models qui s’imposent, jouant un rôle prépondérant dans la transition vers une économie circulaire. Ainsi, les combinaisons produit-service et les plateformes de partage avec le modèle ‘as-a-service’ et l’utilisation temporaire d’appareils selon le principe du ‘pay-as-you-use’. Je vois aussi que la possession n’a plus le même statut auprès des nouvelles générations. Avec ce moins-disant de consommation, la pensée du partage se généralise, générant des valeurs associées telles que la simplicité, la praticité et la convivialité. Détenir le PC le plus puissant n’est plus une finalité, accéder à ses performances oui !

° Oublions ici le modèle, dépassons aussi la notion de propriété. Qui dit économie circulaire dit responsabilité des ressources naturelles. Nos entreprises y sont-elles réellement sensibles ?

Oui ! Et pour celles qui ne le sont moins, il est d’autres réalités qui les amènent à réfléchir. Ainsi, le retrait pur et simple du marché de toute une série de produits, d’un usage plus ou moins éphémère, ainsi que l’abandon de certaines substances et pratiques accusées de nuire gravement à l’environnement. Songeons aussi aux évolutions de la fiscalité, également au principe de conformité…

C’est tout notre système de production qui change. On sent bien qu’il n’est plus possible de raisonner en termes de chaîne de valeur, mais en cycles de valeur afin que les différentes filières se répondent, se nourrissent, les déchets de l’un devenant les intrants de l’autre, etc. C’est là que l’économie circulaire fait sens. Bien entendu, cette démarche nécessite des changements en profondeur dans les modes de production et plus encore de conception, ne pouvant se faire que sur le long terme. Il faudra changer, il faudra évoluer. Et ce que je constate dans les grandes organisations se vérifie aussi dans les plus petites. Quid de certains produits, de certains composants, de certaines substances ? Comment, après usage, recycler ces produits ? Ces questions en suscitent une dernière : la réglementation actuelle est-elle adaptée à la circularité ? C’est là, clairement, que nous avons un rôle à jouer. Comme R-Lease est propriétaire des biens, nous soulageons nos clients par la prise en main de la chaîne logistique inversée -la reverse supply chain propre à l’économie circulaire. Alors que la logistique traditionnelle est basée sur l’extraction et la consommation de ressources vierges, il s’agit, pour la logistique inversée, de prendre en compte des ressources en fin de vie pour les réintroduire dans le cycle de production et d’utilisation. Concrètement : contrôle des retours, collecte et tri, test et remise en état des produits usagés, démantèlement de ceux en fin de vie, analyse qualité… Pour notre part, nous nous chargeons de mettre en place la reverse supply chain et nous nous assurons du respect des engagements.

° N’est-ce pas sortir du cadre de votre métier de financier ?

Pas du tout ! J’en tiens pour exemple la valeur résiduelle. Dans l’économie circulaire, elle est supérieure. Tant mieux ! Ce n’est pas le seul gain. Par nature, l’économie circulaire -si on veut l’étendre à toute l’entreprise- imposera de transformer l’organisation, les activités, voire le business model. Si on veut aller au fond des choses, l’économie circulaire engage un processus de transformation qui impacte en profondeur l’entreprise, et donc par conséquent sa structure de financement, ses performances et ses perspectives de rentabilité.

° N’empêche : votre métier est de financer, vous n’êtes pas dans la chaîne de production des équipements que vous mettez à disposition, ni dans celle de leur recyclage…

De fait. Mais partie intégrante du groupe RCarré, nous entretenons des relations à tout le moins étroites avec les principaux fournisseurs de technologies. Nous pouvons évaluer les chaînes d’approvisionnement circulaires, la récupération et le recyclage, le prolongement de la vie du produit… HP, par exemple, est très engagé. Ses produits sont de plus en plus créés pour durer et utiliser efficacement l’énergie, avec moins de pièces mobiles qui peuvent se briser et moins de produits consommables qui ajoutent des déchets et qui nécessitent un remplacement. Autre exemple, Dell qui a revu l’ensemble du cycle de vie de ses produits, la recherche de matériaux et de moyens plus efficaces; idem pour ses modèles commerciaux qui transforment les processus et les relations.

Mais il n’y a pas que la conception du produit… Les préceptes de l’économie circulaire peuvent nous entrainer loin dans la réflexion. Je pense ici à la virtualisation, qui constitue un autre moyen par lequel les clients peuvent développer leur technologie sans exploiter de nouvelles ressources. La migration des serveurs physiques vers les serveurs virtuels et la consolidation permettent de réduire les coûts mensuels d’alimentation et de refroidissement; de réduire par conséquent l’empreinte du data center, en retardant ou, mieux, en éliminant la nécessité de créer de nouveaux sites.

° Dans ce contexte étendu, quel est désormais votre interlocuteur ?

Il n’est pas unique. Le premier concerné reste le responsable informatique; le responsable financier analysera pour sa part la pertinence de la proposition, alors que le CEO sera sans doute le plus sensible au discours propre à l’économie circulaire. De plus en plus, les trois tendent l’oreille. Le discours ne laisse pas insensible : comment, in fine, créer une économie qui se régénère et se restaure par elle-même, comment aider les organisations à créer plus de valeur tout en réduisant leur dépendance à des ressources limitées… La difficulté, aujourd’hui, c’est d’y voir clair. On manque de certifications -il n’y a pas encore assez de cartes d’identités des produits. Quant aux normes, elles sont volontaires. Difficile, dans ces conditions de s’y retrouver. De là, notre engagement. L’économie circulaire, nous en sommes persuadés, offre de nombreuses opportunités d’innovation. Saisissons-les ensemble et stimulons ainsi l’économie. Apportons comme acteur financier notre pierre à l’édifice sociétal et agissons comme facilitateur d’une introduction plus rapide de l’économie circulaire.

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