L’e-Estonie, once-only et digital by default

par | Nov 12, 2018 | Data Intelligence, Expérience | 0 commentaires

Pays invité des Luxembourg Internet Days 2018, ces 13 et 14 novembre à la Chambre de Commerce du Luxembourg, l’Estonie vient donner une leçon de digitalisation. Un modèle à suivre.

Le digital peut-il transformer un pays ? Si tous les regards sont portés sur l’e-embassy de l’Estonie au Luxembourg -la première au monde !- le petit pays balte de 1,3 million d’habitants est en train de donner une formidable leçon de digitalisation au monde entier.

«Les ambassades ‘physiques’ sont notre territoire souverain en vertu de la Convention de Vienne. Maintenant, nous voulons appliquer le même concept au cyber-monde et aux centres de données», rappelle Sandra Särav, Global Affairs Director for the Estonian Government CIO Office. Un exemple diplomatique, assurément. Mais pas seulement. L’Estonie avance à grands pas, là où d’autres Etats, parfois importants, font grise mine, multipliant les projets sans pour autant parvenir à les concrétiser.

Sandra Sävar : « Depuis 2014, plus de 40 000 personnes de 150 pays différents ont obtenu la résidence électronique en Estonie. Ils ont créé plus de 6 000 entreprises en Estonie. L’idée est d’attirer 10 millions d’e-Estoniens d’ici 2025 ! « 

«Actuellement, il faut environ trois minutes pour régler les impôts en Estonie. Le pays est en train de passer à une automatisation complète, les entreprises n’ayant même pas à déclarer d’impôt, les informations -telles que les paiements de salaires- étant automatiquement transmises au gouvernement.»

Et Sandra Särav de poursuivre : «En 2018, il n’y a que trois choses que vous ne pouvez pas faire en ligne avec le gouvernement estonien: se marier, divorcer et acheter de l’immobilier… parce qu’il s’agit de transactions à haut risque pour chaque citoyen !»

Le digital permet d’économiser 2% du PIB !

Pêle-mêle, les Estoniens peuvent, en utilisant une carte d’identité électronique, adoptée par 98% de la population, voter, accéder aux transports en commun, régler leurs impôts, suivre les résultats de leurs enfants à l’école, ou encore effectuer une demande de subvention agricole. De même, les ordonnances médicales sont totalement dématérialisées et stockées en ligne. Il suffit ainsi de présenter sa carte d’identité électronique en pharmacie pour récupérer ses médicaments. Pour les Estoniens, cela signifie moins de paperasserie, moins de bureaucratie, et in fine un important gain de temps. «Tout est plus rapide, affirme Sandra Särav. Et plus économique : nous économisons l’équivalent de 2% de PIB par an. C’est exactement le même montant que nous devons dépenser en dépenses militaires de l’OTAN

Ce passage au tout-numérique, l’Estonie l’a aussi adopté pour donner un coup de fouet à son économie. Voilà pourquoi, en 2014, elle a créé un statut dit de «e-résident». Accessible à tous les étrangers, il permet à chacun de créer son entreprise, et ensuite de la gérer à distance, à l’autre bout du monde, tout en bénéficiant localement d’une fiscalité avantageuse. «Tout le monde peut devenir un résident électronique en Estonie ! Depuis 2014, plus de 40 000 personnes de 150 pays différents ont obtenu la résidence électronique en Estonie. Ils ont créé plus de 6 000 entreprises en Estonie. L’idée est d’attirer 10 millions d’e-Estoniens d’ici 2025 !»

En Estonie, à la naissance, chaque personne se voit attribuer un code d’identification personnel -il est obligatoire. Tout repose sur le système d’identité. Aucune donnée n’est conservée sur la carte d’identité estonienne. Il s’agit d’un système PKI, à travers lequel les utilisateurs s’authentifient avec le code PIN un et scellent l’affaire avec le code PIN deux; il y a une clé publique et une clé privée sur la micropuce, mais pas de données.

Once only et digital by default

«Notre stratégie repose sur deux principes de base. Le premier est le ‘once only’ : chaque fois qu’un ensemble de données est soumis au gouvernement, celui-ci n’a plus à les demander, précise Sandra Särav. Le gouvernement connaît mon nom, mon lieu de naissance, mon école d’origine. Si je postule à l’université, trouve un emploi, donne naissance à un enfant, il n’a pas besoin de demander l’information précédente à mon sujet.»

Le deuxième principe est tout aussi important, il s’agit du ‘digital by default’ : tout nouveau service doit être introduit numériquement. «En Estonie, si une personne souhaite enregistrer un nouveau lieu de résidence, l’authentification est effectuée à l’aide de l’identification numérique et la personne peut mettre à jour ses informations en moins de deux minutes, commente encore Sandra Särav. Un service numérique destiné au gouvernement estonien est un service entièrement numérique de bout en bout, sans appels téléphoniques, visites de bureau ou documents physiques.»

Aujourd’hui, tout le monde s’exclame en voyant les progrès gigantesques du petit pays balte. Ainsi, la possibilité d’ouvrir une entreprise en 18 minutes -un record mondial !- avec les informations pré-remplies. En vérité, reconnait Sandra Särav, c’est la conséquence d’un manque patent de ressources. «En 2001, nous étions trop pauvres pour nous permettre d’avoir une base de données centralisée; nous avons donc décidé de connecter différentes bases de données de fournisseurs de services publics et privés et de les faire dialoguer. Maintenant, d’autres pays réalisent que c’est la solution la plus sûre… Vous ne devriez pas avoir de base de données centralisée, une telle base est par nature très vulnérable !»

X-Road, l’architecture de base sur laquelle repose le système, est open source, des tiers pouvant y connecter leur base de données. Lorsqu’un citoyen tente d’utiliser un service, il s’authentifie simplement à l’aide de sa carte d’identité. Si le service nécessite des informations provenant d’une autre base de données, il enregistre toutes les informations requises.

L’Etat, plus proactif encore…

«Avec X-Road, nous économisons plus de 800 années de travail par an», poursuit Sandra Särav. S’agissant d’événements de base de la vie -naissance d’un enfant, immatriculation d’une voiture, exploitation d’une entreprise, etc.-, le citoyen doit toujours s’adresser au gouvernement et demander à être entretenu. Et si on n’avait pas à le faire ? Et si le gouvernement a la possibilité de venir à vous ? «Lors de la conception de nouveaux services, nous devrions nous concentrer sur une approche centrée sur le citoyen. Les citoyens devraient pouvoir recevoir des services en un clic et, mieux encore, l’État étant la partie proactive

Le but est d’avoir plus d’interactions entre machines : ce qui pourrait être fait automatiquement devrait être fait ainsi. «Nous travaillons actuellement sur Reporting 3.0; il s’agit là d’un des domaines où nous nous attendons à ce que l’État soit proactif. Nous avons d’abord répertorié 15 événements de la vie et nous entendons les rendre aussi transparents que possible pour le citoyen…» A suivre. Et de très près.

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