ChatGPT par-delà le buzz
ChatGPT, un million d’utilisateurs en cinq jours ! Bravo ! L’intelligence artificielle d’OpenAI bat toutes les plates-formes populaires. Mais après le buzz ?
Par-delà le buzz, oui. Tandis que des pionniers enthousiastes déchiffrent les usages qui ne manqueront pas de changer en profondeur métiers et pratiques professionnelles, de nombreuses questions restent en suspens.
Après son lancement en novembre 2022, l’assistant virtuel ChatGPT a attiré un million d’utilisateurs en seulement cinq jours, a chiffré Statista. D’autres technologies ou services en ligne dits de rupture ont généralement mis plusieurs mois, voire des années, à atteindre le seuil du million d’utilisateurs. Spotify et Dropbox ont atteint ce cap respectivement en cinq et sept mois. Instagram a mis deux mois et demi pour atteindre 1 million de téléchargements. Quant à Airbnb, le service a mis deux ans et demi pour franchir le cap du million de nuitées.
Aujourd’hui, victime de son succès, l’accès à ChatGPT est restreint. Il faut s’inscrire sur une liste d’attente pour tester cette intelligence artificielle capable de répondre à des questions -pas toutes- et de générer des contenus écrits à la demande. Quant à la grille tarifaire, elle a été avancée…
Par-delà le buzz, un destin relativement prévisible
Une révolution, vraiment ? Mesurée, oui. Inutile de « discuter » politique avec ChatGPT, le robot louvoie, se dandine et évite soigneusement de prendre une quelconque position tranchée, préférant se réfugier dans des postures que l’on pourrait qualifier de « politiquement correctes ». Sur bien des sujets, ChatGPT fait preuve d’une prudence mâtinée de pudibonderie. Contrairement à certains de ses prédécesseurs, il a été paramétré pour éviter les dérapages.
Il n’empêche, l’outil a déjà ses aficionados qui imaginent tous les usages possibles, de la rédaction d’essais académiques à la manière d’éviter de se faire licencier de Twitter. Pourquoi pas ? Mais après le buzz ? Le destin de ChatGPT est relativement prévisible : rupture, course en avant tête baissée, intervention du législateur puis, avec un peu de chance, gestion de la rente. En cette fin du mois de janvier 2023, ChatGPT a déjà fait la rupture et amorce la fuite en avant qui va tout démolir sur son passage. Au-delà des effets économiques, certainement souhaitables puisque l’innovation est un moteur de croissance colossal, les incidences collatérales comme juridiques restent des impensés. Il n’est pas impossible, d’ailleurs, que cela fasse partie du business plan…
Une intelligence artificielle dans la moyenne de l’intelligence d’Internet
La force de ChatGPT est également sa faiblesse : le volume, la qualité et l’origine des contenus employés pour l’entrainer. Ce n’est pas un mystère : OpenAI utilise les ressources immenses d’Internet pour le deep learning de son intelligence artificielle. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que la qualité de ce matériel est incertaine, même pour des sources « réputées sûres », comme Wikipédia. Poser la question c’est rouvrir le débat sur la fiabilité de sources… d’ailleurs bien antérieur à Internet.
Reste le plus gros problème, le juridique. Comme d’autres entreprises de la nouvelle économie -Uber ou Lime par exemple, OpenAI sort son produit en laissant les questions juridiques pour après. Ou peut-être même pas. Pourtant il y a, dès à présent, deux graves problèmes : ce qui sort de ChatGPT et ce qui y rentre.
Habillement, OpenAI botte en touche sur le sujet de la propriété intellectuelle des images générées par son service ou des textes, renvoyant à la responsabilité de l’utilisateur. Une bonne affaire ? Pas tant que ça : générer du contenu « à la façon » d’un artiste ne disposant plus d’ayant droit, pourquoi pas. En revanche, quid d’un hypothétique huitième roman d’Harry Potter qu’aurait fait écrire une armée de fans à ChatGPT ? Est-ce un plagiat ? Une œuvre originale ? Nul doute que les juristes n’ont pas fini de s’interroger sur ces sujets qui ne vont sûrement pas tarder à émerger.
Prendre de vitesse ayants droits et législateurs
Le plus choquant est le processus deep learning lui-même. Pour entrainer un modèle, il faut énormément de contenus. Si Wikipédia est en Creative Content, est-ce que tous les contenus utilisés sont aussi libres de droits ? Rien n’est moins sûr.
Comme d’habitude, l’idée est sans doute de prendre de vitesse ayants droits et législateurs, surtout en l’absence d’instance de régulation internationale suffisante. Et puis, l’opinion publique n’est-elle pas du côté du progrès ? Ces photos générées par IA de chatons astronautes sont tellement irrésistibles…
En attendant, ChatGPT a attiré un million d’utilisateurs en cinq jours ! Bravo !