Hier, une rumeur. Le 26 février, un rendez-vous qui pourrait tout changer

La CSRD (Corporate Sustainibility Reporting Directive) remise en question ? Le projet d’une directive « omnibus » pourrait édulcorer la directive européenne sur la durabilité. A moins que l’on aboutisse à un report.

Report ? Allègement ? Cela a commencé par une rumeur, qui s’est peu à peu amplifiée pour déboucher, en janvier, sur un débat politique très vif et, demain, sur un probable projet de texte européen visant à alléger les « contraintes » -une directive dite « omnibus ».

Comme le rappelle KPMG, tout est parti de l’entrée en vigueur de la première vague d’application de la directive CSRD, qui impose aux grandes entreprises cotées et aux grands groupes cotés la publication d’un rapport de durabilité en 2025. Les efforts déployés par ces sociétés qui, pourtant, en ont plus les moyens que d’autres, ont provoqué une prise de conscience de la lourdeur du dispositif, spécialement pour les entreprises qui font partie de la deuxième vague, les grandes entreprises non cotées qui seront tenues de publier un rapport en 2026, à plus forte raison pour celles, de moindre taille, qui suivront.

Se sont ajoutées la perspective de devoir également préparer un plan de vigilance rénové en 2026 pour un grand nombre d’entre elles et la lourdeur des obligations imposées à certaines pour nourrir les nombreux indicateurs de la taxonomie de leurs activités.

CSRD, Green Deal… une remise en question

Une fronde en a résulté de la part de nombreux acteurs économiques, mais aussi politiques. Fin janvier, 17 Etats de l’Union n’avaient toujours pas introduit la directive durabilité. La Commission leur a d’ailleurs envoyé une mise en demeure.

L’Allemagne, dans une lettre du 17 décembre 2024 à Ursula von der Leyen, a demandé une réduction significative du contenu de la CSRD et un délai supplémentaire de deux ans. La France souhaite que la directive ne s’applique qu’aux entreprises de plus de 5 000 employés et ayant un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 milliard EUR. Lors d’une conférence de presse le 21 janvier 2025, le ministre polonais des Finances, Andrzej Domański, a confirmé que la présidence polonaise priorise la compétitivité et la simplification massive des règlements européens. Il a même évoqué l’idée d’une « flotte omnibus », visant à rouvrir d’autres législations du Green Deal au-delà de la CSRD…

La direction prise lors des prochaines négociations à Bruxelles déterminera non seulement l’avenir de la directive, mais également la capacité de l’Europe à maintenir ses engagements climatiques et sociaux face aux crises actuelles.

Alléger, au moins pour les PME

Cette fronde a suscité une contre-offensive, non seulement des défenseurs du climat et de l’environnement, ce qui n’est pas surprenant, mais également d’une partie des milieux économiques, ce qui était moins attendu. Ainsi, par exemple, en France, le C3D (Collège des Directeurs du Développement Durable), qui réunit plus de 380 directeurs de RSE de grands groupes, a-t-il plaidé pour un maintien de principe de la directive CSRD et de son agenda. L’organisme estime que les règles de durabilité garantissent des conditions de concurrence équitables et, surtout, renforcent la souveraineté européenne ; pour eux, c’est « le report ou la dilution de ces réglementations qui nuirait à la compétitivité de l’Europe et donnerait des avantages spécifiques aux normes étrangères ».

Toutefois, ils admettent que, pour les PME, certaines obligations pourraient être allégées et leur mise en œuvre rendue plus graduelle, et demandent, en contrepartie, que la mise en œuvre de la directive CSRD pour les entreprises non-européennes ayant des intérêts économiques en Europe soit avancée de deux ans (à 2027).

Directive « omnibus », synonyme de report ?

La Commission s’est emparée du sujet et envisage une directive dite « omnibus », comme il y en a déjà eu, qui pourrait porter tant sur la durabilité que sur la vigilance et pourrait même concerner le Règlement taxonomie. Ce sera le 26 février 2025.

Quelles pourraient en être les orientations et le contenu ? Tout semble ouvert, mais quelques directions de réforme ont filtré, rappelle KPMG. Pour commencer, le projet pourrait reporter l’entrée en vigueur des directives durabilité et vigilance pour l’étaler sur une plus longue période et permettre ainsi aux entreprises concernées de s’y mieux préparer.

La Commission serait également tentée de fondre ces deux textes en un seul, en particulier pour harmoniser les seuils, ce qui avait été proposé dans une étude très fouillée du HCJP de 2022. De récentes déclarations de la présidente de la Commission européenne, il semble même résulter l’idée d’une fusion des trois textes, taxonomie, durabilité et vigilance, pour les articuler et les harmoniser, mais à droit constant, sauf, a-t-elle néanmoins indiqué, pour « les obligations excessives », ce qui reste flou. Un tel regroupement aurait son intérêt, mais ne serait pas une mince affaire… et pourrait déboucher sur un monstre législatif.